2001 : « Histoire de l’agriculture en France (Projet) »

(Plan détaillé d’un projet d’ouvrage en onze chapitres et 66 paragraphes : des origines (-5000 av. JC) à 2000, suivi d’un épilogue). « Présenté » (à qui ?) par F. Sigaut en mai 2001. Inabouti). 

HISTOIRE DE L'AGRICULTURE EN FRANCE

 

(Projet)

 

PLAN RÉSUMÉ

 

 

 

I.

LES ORIGINES (5000/500 avant J.-C.).

 

 

II.

L'ÂGE TECHNIQUE DU FER (500 av./850 après J.-C.).

 

 

III.

VILLAGES, PAROISSES ET SEIGNEURIES (850/1450).

 

 

IV.

L'ÂGE DE L'ARGENT (1450/1750).

 

 

V.

L'INVENTION DU PROGRÈS (1750/1870).

 

 

VI.

L'ORDRE ÉTERNEL DES CHAMPS (1750/1870).

 

 

VII.

L'IRRUPTION DE L'ABONDANCE (1870/1914).

 

 

VIII.

LE TEMPS DES MALHEURS (1914/1945).

 

 

IX.

LES TRENTE GLORIEUSES (1945/1975).

 

 

X.

ET SI ON ARRÊTAIT LE PROGRÈS ? (1975/2000).

 

 

XI.

ÉPILOGUE.

 

Texte présenté par François Sigaut

Mai 2001

HISTOIRE DE L'AGRICULTURE EN FRANCE

(Projet)

PLAN DÉTAILLÉ

I. LES ORIGINES (5000 à 500 av. J.-C.).

Thème dominant : l'arrivée des plantes cultivées et des animaux domestiques sur le territoire actuel de La France.

1. État actuel des méthodes et des connaissances sur l'identification des espèces végétales et animales, et sur les moyens qui permettent de les reconnaître comme sauvages, domestiques ou autres (commensales, adventices, etc.).

Itinéraires d'arrivée, chronologie.

2. Bref rappel de l'évolution des idées sur l'origine de l'agriculture et de l'élevage. La théorie du foyer proche-oriental (V.G. Childe) et ses développements récents. Les théories antérieures (par ex. de Mortillet) et les raisons de leur abandon. Y a-t-il eu cependant des domestications locales en Europe ?

3. Description sommaire des sociétés antérieures à l'agriculture (mésolithique) : peuplement, habitat, etc. Leurs ressources alimentaires et vestimentaires et leurs techniques d'acquisition : chasse, pêche, cueillette…

4. Les premières sociétés agro-pastorales en France (néolithique ancien). Principales différences avec les sociétés mésolithiques. Part des nouvelles ressources (plantes cultivées, animaux domestiques) dans l'économie. Si, dans l'ensemble, la part des ressources sauvages diminue, n'y a-t-il pas cependant des exceptions ou des contre-exemples ?

Le problème de la population : les agriculteurs sont-ils des immigrants ou des indigènes qui ont changé leur mode de vie ? Peut-on mettre en évidence des différences entre régions de ce point de vue ?

5. L'évolution des pratiques, du néolithique à l'âge du fer ancien. Que sait-on concrètement sur l'outillage, sur les techniques agricoles et pastorales, sur la conservation des récoltes, sur la préparation des aliments, etc. ? Peut-on établir des connexions entre l'évolution des pratiques et les changements observés dans la morphologie des groupes sociaux (peuplement, occupation de l'espace, forme et permanence de l'habitat…) ? Y a-t-il sur ces points des différences significatives entre régions ?

Une question essentielle est celle de l'emploi d'animaux pour leur travail (bât, monte, attelage, foulage des récoltes). Quels indices concrets en a-t-on ?

6. L'état des choses précédant immédiatement les grandes innovations de l'âge du fer : tableau commenté des ressources en fonction de leur nature (sauvages/cultivées) et de leur destination (alimentation, vêtement…). Récapitulatif de ce qu'on sait (et de ce qu'on ignore) sur l'outillage et les techniques. Peut-on déjà distinguer des systèmes agraires régionaux ?

 

II. L'ÂGE TECHNIQUE DU FER (500 av. à 850 ap. J.-C.).

Thème dominant : généralisation de l'outillage en fer et ses conséquences sur l'agriculture et l'alimentation.

7. Définition. L'âge technique du fer commence quand le nouveau métal est devenu assez abondant et bon marché pour permettre de fabriquer, non seulement des armes et des objets de luxe, mais les outils les plus courants.

Les nouveaux outils de fer : haches et scies, serpes et serpettes, faucilles, faux, houes, etc. L'exemple des forces qui permettent la récolte de la laine, donc la sélection des races de moutons à laine (qui ne sont pas primitives).

Naissance du machinisme en Méditerranée : broyeurs à olives, pressoirs à levier et à vis pour l'huile et le vin, roues hydrauliques, moulins rotatifs à bras, à manège et à eau, etc.

8. La Gaule de l'âge du fer avant la conquête. Le cadre chronologique et ses subdivisions. Résumé sur le peuplement, l'habitat, le mode de vie, les structures sociales, etc.

Sur l'agriculture, l'élevage et l'alimentation : état actuel des données en fonction des spécialités archéologiques qui permettent de les obtenir (paléobotanique, zoologie…). Évolution récente des hypothèses, y compris remise en cause des idées reçues. Bilan des connaissances sur les plantes cultivées, l'outillage, les structures de stockage et de préparation des aliments (appareils de mouture, fours…). Éléments sur l'utilisation des sols et l'organisation du terroir.

La pénétration des produits et des usages méditerranéens (vin, huile…)

9. La conquête et la colonisation romaines. Prologue sur les causes générales (démographiques, politiques) de la supériorité romaine. Causes techniques, par ex. l'équipement des armées romaines en outils de travail du sol pour les fortifications et en moulins portatifs. Rôle essentiel de l'intendance (blés et fourrages) dans les campagnes de César.

La colonisation et ses modalités. La nouvelle organisation foncière et ses méthodes (arpentage, cadastres). Apparition et développement des villæ. Que reste-t-il de la société rurale indigène ? Les révoltes paysannes (Bagaudes).

Les effets de la paix romaine sur la population. Le développement des villes et des voies de communication. L'importance des régions du limes.

10. Les innovations venues de la Méditerranée. Les machines : diffusion des moulins à eau (Barbegal), des pressoirs, etc. L'hydraulique urbaine et rurale. Progression vers le Nord de la vigne, de l'olivier et des autres cultures méditerranéennes (quid du noyer, du châtaignier, des arbres fruitiers, de l'horticulture ?). Apparition de races de "grande" taille, indice possible de nouveaux procédés d'élevage.

Importance et commerce des produits alimentaires d'après la céramique (amphores vinaires…) et les autres sources possibles.

11. Les innovations gallo-romaines. L'outillage agricole : le coutre et le labour retourné, la herse et le semis dessus ; le valluset les techniques de la moisson ; la faux et ses implications sur l'économie de l'élevage (récolte et stockage du foin) ainsi que sur les paysages (prés de fauche). Deux céréales nouvelles : l'avoine et le seigle.

Développement de la boissellerie (récipients en douves de bois), appelée à supplanter la céramique dans le stockage et le transport des liquides (bière, vin, etc.). La question des denrées de longue conservation, fromages et salaisons. Hypothèse qu'un nouveau modèle d'économie rurale, basé sur des techniques originales, non méditerranéennes, se met en place entre Seine et Rhin.

12. L'Antiquité tardive. Rappel des faits principaux : insubordination fréquente des armées, pression croissante des barbares, invasions. Implications directes sur la démographie (déclin des IVe-VIe siècles), le peuplement, l'économie et le commerce, les villes, etc.

Évolution de la situation dans les campagnes. Le devenir des villæ, morcellement ou concentration. Comment le reste du territoire est-il affecté, y a-t-il retour à des pratiques pré-romaines et comment l'interpréter ? Bref bilan de l'historiographie sur ce sujet et de l'évolution récente des idées, notamment sous l'effet des travaux des archéologues.

 

III. VILLAGES, PAROISSES ET SEIGNEURIES (850-1450).

 

Thème dominant : une nouvelle organisation territoriale du monde rural se met en place ; avec des modifications, elle y restera jusqu'à la Révolution (seigneuries) et au delà (villages, paroisses).

 13. Le nouveau contexte politique et démographique. Naissance de la France comme royaume indépendant du Saint-Empire. Fin des incursions des Normands, des Arabes et des Hongrois. Essor démographique : triplement de la population entre 900 et 1300, suivi par l'effondrement dû aux pestes et aux guerres à partir de 1348. Effets de tous ordres sur les structures sociales, y compris baisse de la tension sur les subsistances. Niveau de vie relativement élevé des travailleurs au XVe siècle.

 

14. Le contexte technique et industriel. Renaissance des villes et du commerce à longue distance. Innovations dans la métallurgie (haut-fourneau, forge hydraulique) et conséquences sur l'outillage. Innovations dans les transports (emploi accru des chevaux, ferrure, chariot à avant-train tournant…). Développement des industries textiles et conséquences sur la production de laine, de lin et chanvre, de plantes tinctoriales (pastel), d'oléagineux, etc. Les premières spécialisations régionales dans le domaine économique.
 

15. L'encadrement du monde rural : seigneuries, paroisses, villages. Hypothèse que les bases de ce système, posées aux Xe-XIe siècles, sont restées en place jusqu'à l'époque contemporaine.

 

La seigneurie. Définition, grandes étapes de son développement et de son évolution ultérieure. Depuis quand n'y a-t-il plus de terre sans seigneur, et est-ce vrai partout ? Le domaine seigneurial, ensemble de droits différenciés sur la terre et sur les personnes. Banalités (four, moulin, aire à battre…). Fonctionnement en termes économiques.

 

16. L'encadrement du monde rural (suite). Le réseau des paroisses. Conditions et motifs de sa création. Sa place dans l'ensemble du système administratif de l'Église. Les institutions paroissiales et leur fonctionnement. Le personnel ecclésiastique (curés) et laïque. L'église et le cimetière. Le rythme quotidien, hebdomadaire et saisonnier des travaux et des fêtes. Parallèle entre paroisse et seigneurie (l'église est-elle à l'une ce que le moulin banal est à l'autre ?), partage des rôles. Somme totale des prestations, prélèvements et interdictions imposées aux paysans par l'ensemble des autorités qui s'exercent sur eux.

 Le village, lieu habité entouré d'un terroir. Le village peut coïncider avec la paroisse ou la seigneurie, mais c'est loin d'être la règle. Le village est la cellule économique de base, l'organisation du travail y est la même pour tous. Structure des terroirs et façon dont elle combine les différences physiques, les droits d'usage et l'organisation du travail.

 Bilan des relations entre villages, seigneuries et paroisses.

 

17. L'agriculture et l'élevage. Accroissement immense du volume des sources écrites et de l'iconographie. Apparition d'une nouvelle génération d'écrits techniques ou littéraires (G. de Henley, le Calendrier des Bergers, ouvrages de vénerie, etc.). Les données de l'archéologie. Exemples de ce qu'il est possible de tirer de ces sources séparément ou ensemble.

 

Les techniques : innovations (ex. du moulin à vent) et développements (multiplication des moulins à eau, étangs à poisson, emploi accru des chevaux aux dépens des bœufs, etc.). Le point sur les paysages et les terroirs (clôtures…), les bâtiments, l'outillage, etc.

 

L'assolement triennal, combinaison permettant d'optimiser l'emploi des attelages, c'est-à-dire du capital d'exploitation (Henley). Nouveauté de la notion de combinaison culturale. Ses implications à diverses échelles, depuis le terroir villageois jusqu'à l'exploitation régulière des complémentarités entre régions plus ou moins éloignées (transhumance, migrations de travail…).

 

18. L'alimentation. Modèles alimentaires en fonction des différentes classes sociales. Innovations dans la préparation des aliments (par ex. la bière au houblon). Importance du poisson d'étang (frais) et surtout de mer (harengs saurs) et de son commerce. Fromages et salaisons. Le sel.

 Réapparition d'une littérature culinaire.

 Ce qu'on peut savoir de la fréquence et de la gravité des disettes.

 

 19. Tableau des changements survenant dans les derniers siècles du Moyen Age (XIVe-XVe). Conséquences des désastres (pestes, disettes, guerres) et récupération. Les révoltes agraires (Jacquerie), leurs causes et leur répression. Changements politiques, fiscaux, etc., à l'échelle du pays entier et leurs répercussions dans le milieu rural.

 

IV. L'ÂGE DE L'ARGENT (1450-1750).

 Thème dominant : monétarisation de l'économie et transformations des régimes fonciers.

 

20. Les principaux événements et leurs implications les plus directes. Les grandes découvertes : afflux de métaux précieux, déplacement vers l'Ouest des courants commerciaux, arrivée du maïs et d'autres plantes exotiques, développement des denrées coloniales (sucre, indigo, café…).

 

Le mouvement technique et scientifique. Intérêt pour la mécanique (publication de "Théâtres de machines"). Naissance de la science expérimentale. Renouveau de la littérature agronomique (traductions d'ouvrages italiens, la Maison Rustique, B. Palissy et O. de Serres, etc.). Les débuts de la physiologie végétale.

 

La récupération démographique et ses conséquences : densification des régions rurales, expansion des villes, baisse des salaires réels (les "ciseaux" du XVIe siècle).

 

21. Les nouvelles plantes cultivées. Celles qui ne viennent pas d'Amérique (le sarrasin) et celles qui en viennent (maïs, haricots, courges, tabac, topinambour, tournesol, pomme de terre…). Processus et étapes de leur acclimatation. Distinction entre plantes adoptées rapidement (maïs, haricots) et celles qui resteront longtemps des curiosités botaniques.

 Si possible, cartes de la progression du sarrasin et du maïs en France. Recul ou abandon concomitants de cultures anciennes (millet, panis). Le pastel remplacé par l'indigo, premier exemple d'une série qui s'allongera au XIXe s.

 Essor des explorations botaniques et des jardins d'acclimatation : Jacques Besson, Adanson, Poivre, Tournefort et leurs émules.

 

22. Agriculture et industrie. Inventaire des productions végétales et animales à destination industrielle : osier, plantes textiles, tinctoriales, oléagineuses, à soude, etc., produits animaux (laine, peaux, corne, os), produits forestiers (charbon, écorces de chêne…) et produits des marais (roseaux pour les toitures). Leur importance économique. Productions présentes à peu près partout (osier/vannerie), celles qui correspondent à des différenciations régionales larges (huile d'olive/huile de noix) ou à de véritables spécialisations locales (le chanvre en Grésivaudan). Régions où ces spécialisations sont particulièrement poussées (ex. de la Flandre).

 

23. L'horticulture. Le développement des parcs et jardins, la production des arbres en pépinières, les cultures sous abri (orangeries, serres) et en conditions plus ou moins contrôlées. Les agrumes dans le Midi. Les cultures de primeur. Apparition de régions spécialisées dans la production maraîchère ?

La viticulture. La bouteille en verre et le bouchon de liège bouleversent les conditions de conservation et de transport des vins (cf. le champagne, le bordeaux, etc.). L'alambic fait naître une nouvelle branche industrielle.

Emploi de la glace naturelle pour rafraîchir les boissons.

24. La transformation des régimes fonciers. Recul des anciens modes de tenure au profit du métayage et du fermage. Survivances et exceptions (ex. du domaine congéable en Bretagne). Nouvelles formes de baux en fonction des spéculations envisagées (ex. du bail à cheptel). Contrats d'emploi de la main d'œuvre, en particulier pour la moisson.

Dans certaines régions (Ile de France, Picardie…), les fermiers deviennent une classe d'entrepreneurs capitalistes qui rassemblent les terres (louées) à leur profit. Ailleurs, ce sont les propriétaires qui opèrent ce remembrement en réaménageant leurs domaines en métairies dont ils continuent à surveiller la gestion, directement ou par l'intermédiaire de leurs délégués. Hiérarchie des unités ainsi créées, en fonction de leur équipement (attelage ou non) et de la répartition des tâches entre elles (métairies/borderies/locatures).

25. Transformations concomitantes des terroirs et des paysages. Extension des plantations (châtaigniers, mûriers, noyers, pommiers…), irrigations, construction de champs en terrasses, etc.

Les restructurations du parcellaire avec clôtures : l'exemple des remembrements bocagers dans l'Ouest. Importance qu'y prend l'association de l'agriculture et de l'élevage dans le système de culture. Parallèle avec les enclosures en Angleterre.

 

V. L'INVENTION DU PROGRÈS (1750-1870).

Thème dominant : le progrès, d'abord idée théorique issue desLumières, devient un véritable programme dont des innovations concrètes de plus en plus importantes confirment le bien-fondé ; des conceptions millénaires sont mises en question.

 

26. La fin de l'Ancien Régime : naissance de l'agronomie moderne, premiers éléments d'une politique de progrès agricole.

 Le mouvement scientifique ("chimie de la végétation", étude des ennemis des cultures…) : importance pour l'avenir, absence de résultats applicables dans le présent. Le machinisme : débuts obscurs (le tarare), mais premier développement des recherches aboutissant à la machine à battre écossaise (1786).

 L'agronomie. Centralité de l'œuvre de Duhamel du Monceau. Développement spectaculaire de la littérature, différenciation en sous-genres (voyages, monographies locales, expérimentations, vulgarisation…). Auteurs et thèmes principaux. Limites dues à l'absence de références scientifiques valides, mais intérêt documentaire immense : pour la première fois, les pratiques réelles sont décrites dans le détail.

 Les deux volets de toute politique agricole : la promotion de la production et la police des grains (= politique des subsistances). Premier volet : les sociétés d'agriculture, l'enseignement (les premières écoles vétérinaires, le cours de Thouin au Muséum). Second volet : le débat entre "économistes" (physiocrates) et réalistes, les tentatives de déréglementation du commerce des grains et leur échec (Bertin, Turgot) ; persistance des disettes, leur rôle déterminant dans le déclenchement des troubles populaires.

 

27. La Révolution et l'Empire : transformation du régime de la propriété.

 De la nuit du 4 août au Code civil et au cadastre, suite des événements qui aboutissent à la fois au nouveau droit foncier et à une assez large redistribution de la propriété (confiscation et vente des biens de l'Église et des émigrés). Conséquences immédiates et à terme. De la paroisse à la commune : les nouvelles institutions communales.

 La politique agricole : poursuite et amplification des actions antérieures, après quelques années d'interruption sous la Convention. Celle-ci entreprend toutefois de grandes enquêtes (sur les engrais, sur les animaux ruraux, etc.) qui deviendront, sous le Consulat et l'Empire, une véritable statistique. Efforts pour pallier les conséquences des guerres et du blocus (fabrication des faux, sucre de betterave…).

 Les subsistances. Continuation des débats antérieurs, à peu près dans les mêmes termes. Mesures prises par la Convention et leurs effets. La disette de 1812 oblige Napoléon à retarder la campagne de Russie et le décide à faire construire le grenier d'abondance de l'Arsenal.

 Succès d'Appert… en Angleterre. Le mouvement scientifique (Saussure, Chaptal, etc.). La gastronomie (Grimod de La Reynière, Brillat-Savarin).

 

28. De 1815 à 1870. Retour à la paix, nouvelle politique des subsistances, développement des institutions agricoles, débuts de l'exode rural, etc.

 La famine de 1816-17. Les projets de réserve, notamment celui de Ternaux pour Paris et ses recherches sur la conservation des grains en silos. Projets et recherches de ses successeurs jusque dans les années 1860. Dernières années de cherté (1867, 1868, 187le 1873). Les solutions successives : l'échelle mobile (1819) et le libre-échange (1861).

Les institutions : sociétés d'agriculture, comices. L'enseignement : Roville, Grignon…, les fermes-écoles, etc. La littérature agronomique, notamment les périodiques. Le recueil des Usages locaux, etc.

 La terre et les paysans dans la littérature générale (Balzac, G. Sand, Erckmann-Chatrian…) et sociologique (Le Play).

 

 29. Le machinisme et les techniques. Premières batteuses importées de G.-B. Constructeurs et inventeurs en France, diversification des modèles. Développement du "petit" machinisme : tarares perfectionnés, hache-paille, coupe-racines, broyeurs divers, barattes mécaniques, etc. Naissance d'une nouvelle branche industrielle, ses liens avec la "grande" industrie (ex. de Nantes, de Lille, etc.).

 Les labours et instruments aratoires. Nouvelles formes de labour, nouveaux instruments aratoires : charrues perfectionnées, herses, cultivateurs, buttoirs, rouleaux, semoirs, etc.

 Les moyens de promotion des nouveaux matériels : modèles réduits, ouvrages illustrés, concours, expositions (en particulier rôle essentiel des expositions universelles à partir de 1851)…

 30. La fertilisation. État de la question avant Liebig : des recherches empiriques sans grands résultats, sauf par hasard (lignites pyriteux, plâtre…), faute de théories valides susceptibles de les guider. Les premiers engrais commerciaux : la poudrette, et surtout le noir animal et le guano du Pérou.

 Liebig : nouveauté de sa théorie par rapport à ses prédécesseurs immédiats (Saussure, Sprengel, etc.), succès et polémiques publiques. Réception plutôt négative en France (Dumas, Boussingault), plus positive en Angleterre. Conséquences. Le développement du commerce des engrais donne lieu à la création des premiers laboratoires de chimie agricole (Nantes, Caen…). La répression des fraudes.

31. Le mouvement scientifique. La nutrition animale. La sélection végétale et animale. Les premiers travaux de Pasteur (fermentations, maladies des vers à soie, charbon…). Nouvelles maladies et nouveaux ravageurs des cultures : alucite, oïdium, mildiou, etc. Recherches sur leur biologie et méthodes de lutte. Conséquences économiques (l'Irlande comme cas extrême). Ce qu'on sait aujourd'hui sur leur origine et leur propagation.

 

VI. L'ORDRE ÉTERNEL DES CHAMPS (1750-1870).

Thème dominant : l'innombrable littérature agronomique de cette époque permet, pour la première fois, de décrire en détail les pratiques réelles des agriculteurs, telles qu'elles résultent d'un long passé, avant les révolutions qui s'annoncent.

32. Les techniques culturales. La jachère de trois labours, schéma inchangé depuis Homère. Les seules innovations ultérieures sont la charrue et le labour retourné, et le hersage des semis. Les autres instruments sont rares et d'utilisation locale (ploutroir, rouleau). Les extirpateurs, scarificateurs, bineuses, etc. ne se répandront pas avant le XIXe siècle.

Diversité des formes de labours (à plat, en sillons), mais absence de documents précis avant le XIXe siècle. Une certitude : les labours profonds sont impossibles à l'araire ou à la charrue, on ne peut les exécuter qu'à bras, à la bêche. La plupart des vignobles sont également labourés à bras (à la houe) jusqu'au phylloxéra.

33. Récolte, battage, stockage. Usage presque universel de la faucille pour les blés, de la faux pour les foins (et les avoines dans certaines régions). L'emploi de la faux pour les blés ne prendra d'importance qu'au XIXe siècle. La sape flamande et le volant, outils peut-être liés au développement des migrations de moisson.

 Les deux systèmes de battage-stockage qui se partagent le territoire depuis (?) : l° stockage des gerbes et battage en hiver, en grange ; 2° battage immédiat, en plein air, et stockage du grain battu. La grange, bâtiment caractéristique du premier système, inconnu dans le Midi et dans l'Ouest. Rapports avec les modes de faire-valoir et les contrats de moisson.

34. Attelage et véhicules. Rappel sur les attelages antiques (fausseté de la théorie de Lefebvre des Noëttes). Prépondérance ancienne des bœufs, supplantés par les chevaux à partir du XIIe siècle, mais dans certaines régions seulement. Essais de cartographie. Ancienneté du débat sur les avantages respectifs des chevaux et des bœufs, et comment en sortir.

 Problèmes posés par la structure des véhicules : à deux roues, à quatre roues ; l'avant-train tournant, les essieux en bois ou en fer, etc. Est-il possible d'avoir une idée de la charge utile des véhicules ruraux avant le XIXe siècle ?

35. Fertilisation, rendements. À de rares exceptions près (cendres, colombine…), les engrais sont des déchets pondéreux, intransportables sur de longues distances et qui ne peuvent que compenser partiellement les prélèvements des récoltes. Absence de théorie susceptible de guider leur emploi avant le XIXe siècle (Liebig et al.). À quelques exceptions près (bord de mer, polders, banlieues des villes), la fertilisation se ramène à des transferts de matières d'une partie à l'autre du terroir, directement ou par l'intermédiaire des allers et venues des animaux. Diverses solutions adoptées selon les régions et façon dont elles déterminent la structure des systèmes de culture.

 Difficultés pour évaluer les rendements. Problèmes posés par la diversité des poids et mesures, par les usages en matière de prélèvements avant comptabilisation de la récolte, etc. Sauf exceptions (cf. ci-dessus), les rendements se situent à des niveaux qui paraissent aujourd'hui très bas (5 q/ha/an) et qu'il est impossible de dépasser durablement.

 

36. La conservation des aliments. Les grains : diversité méconnue des procédés ; la question des silos souterrains médiévaux et de leur abandon ; comment se posait le problème au temps de Duhamel. Les techniques applicables aux produits frais : séchage, fumage, salage, fermentation, conserves à l'huile ou à la graisse, au miel, au vinaigre… (les "confitures" d'Olivier de Serres). Importance des produits laitiers (beurres et fromages), des fruits séchés, etc. Le rôle des aliments de conserve, en général et dans des cas particuliers (villages de haute montagne, marines, armées…). Le scorbut et ses remèdes (dont la choucroute).

37. Le rapport population/subsistances. Est-il possible de relier la densité de population (hab./km2) à la productivité du travail et au niveau de vie ? Les disettes : les rendements sont très stables à long terme, mais très variables d'une année sur l'autre ; en temps "normal", il y a une disette tous les cinq à dix ans. Exemples de famines particulièrement terribles. Ni le stockage à long terme ni le commerce, trop aléatoires, n'offrent de solutions efficaces.

Les discussions sur la police des grains au XVIIIe siècle. Vues opposées des physiocrates et de Galiani. Absence de solution. Les dispositions prises au XIXe siècle n'amélioreront que partiellement la situation (l'échelle mobile). Il y a encore des disettes dans les années 1850.

38. État des lieux à la veille de la guerre de 1870. Une agriculture qui produit encore presque tout (notamment la plupart des matières premières de l'industrie) avec presque rien (pas d'intrants autres que le métal pour l'outillage). Des rendements qui restent faibles, faute d'engrais, et variables, d'où continuation des disettes, un peu moins sévères. Des techniques qui doivent presque tout à l'invention locale (sauf les nouvelles machines, encore assez peu nombreuses). Des systèmes de culture étroitement adaptés aux terroirs. Une économie dépourvue de la plupart des instruments utilisés par le commerce et l'industrie (crédits bancaires, assurances…). Les progrès sont sensibles, mais limités.

 

VII. L'IRRUPTION DE L'ABONDANCE (1870-1914).

 

Thème dominant : en 1878, l'afflux des blés américains déclenche une baisse des prix qui, sauf lors de pauses temporaires, ne s'arrêtera plus ; c'est l'aspect le plus visible d'une révolution qui en aura bien d'autres ; les innovations nées à l'époque précédente produisent leur plein effet, alors que d'autres s'annoncent, plus importantes encore.

 

39. Rappel des événements de 1870-1871. Effets de la guerre et de l'occupation dans les campagnes. Le siège de Paris et l'organisation du ravitaillement. Installation du nouveau régime.

 

40. Évolution parallèle du commerce extérieur et du prix des grains depuis 1815. Le basculement de 1878 et l'arrivée en masse des blés américains (qui seront suivis par d'autres). L'afflux est massif et continu jusqu'en 1894, puis la hausse des tarifs douaniers le limite aux années déficitaires. La guerre verra reprendre les importations massives…

Causes : colonisation du Middle West + mécanisation + réseau d'elevators connectés au rail + canal de l'Hudson… mettent le blé américain arrivé en Europe à moins de la moitié des prix locaux, même en bonne année. Effets : disparition des disettes, baisse de la rente foncière (et à terme fin de l'état de propriétaire et des fortunes terriennes), hausse des salaires réels, nécessité d'accroître la productivité par des investissements (donc besoins de crédit), accélération de l'exode rural, etc. Les anciens équilibres terre/travail/capital sont compromis.

 Phénomène analogue (quoique dû à des causes différentes) : abandon de presque toutes les productions industrielles (oléagineux, textiles, plantes tinctoriales) devant la concurrence des produits coloniaux, du pétrole et des produits de synthèse. La betterave à sucre est la seule exception. Le seul marché qui reste à l'agriculture indigène est celui de l'alimentation, ce qui est un fait entièrement nouveau.

41. Le cas de la viticulture. Une succession exceptionnelle de fléaux culminant avec le phylloxéra, à quoi s'ajoutent des problèmes de fraude et de concurrence étrangère, détermine une série de crises, aboutissant aux troubles de 1907 à 1911.

Recherche des solutions : scientifiques (traitements antiparasitaires, plants américains) ; politiques (répression des fraudes, appellations contrôlées, etc.) ; mouvement syndical et coopératif.

État des lieux après le phylloxéra. Changements dans la géographie du vignoble. Introduction du matériel attelé dans les vignobles naguère plantés en foule et replantés en route (qui donc ne pouvaient être travaillés qu'à la houe). Évolution des méthodes vinicoles et de la qualité des vins.

42. Le progrès technique. (1) Arrivée à maturité des innovations de la période antérieure. La théorie de Liebig, dûment corrigée, est finalement acceptée : naissance de l'industrie et du commerce des engrais. La mécanisation attelée atteint son apogée avec la moissonneuse-lieuse, les matériels de fenaison, etc. ; généralisation du brabant double et de la série des matériels qui le complètent.

L'achèvement du réseau ferroviaire transforme les conditions de la production et la géographie des productions, surtout avec l'avènement annoncé des transports frigorifiques et l'industrialisation de la conserverie. Développement induit des transports de proximité, hippomobiles, en particulier dans les villes (omnibus parisiens) : l'apogée de la vapeur est aussi celui du cheval.

43. Le progrès technique. (2) La première vague d'innovations est à peine en place qu'il s'en annonce une seconde. En vrac : machines frigorifiques, fil de fer barbelé, écrémeuse centrifuge, ensilage fourrager, machine à traire, tracteur à essence, et tout ce qui ressortit à la microbiologie (pasteurisation), à la génétique, à la chimie, etc. Certaines de ces innovations ne seront mises en œuvre que plus tard, mais d'autres le seront très vite, et toutes concourent à créer un climat d'enthousiasme pour les "Merveilles de la science". En fait, l'époque 1880-1910 est si riche à cet égard que toute la difficulté sera de maintenir ce chapitre dans des dimensions raisonnables. Il faudra choisir des exemples (comme celui de la production du beurre : la Normandie conservatrice perd le marché anglais au profit du Danemark, que les Charentais prendront comme modèle).

44. Politique agricole et institutions. Le ministère de l'agriculture devient autonome (1881) ; développement de ses services. L'enseignement, public (l'INA est créé en 1876, les professeurs départementaux en 1879…) et privé (rôle de l'Église). La politique commerciale, du libre échange au protectionnisme (1885-1894). Création du crédit agricole, des assurances, etc. Les débuts du syndicalisme et de la coopération.

 

VIII. LE TEMPS DES MALHEURS (1914-1945).

Thème dominant : d'août 1914 à mai 1945, on ne compte qu'une dizaine d'années d'embellie (1920-1929) ; l'optimisme d'avant 1914 n'est plus de mise ; les agriculteurs (qui sont en cela au diapason de la société toute entière) n'acceptent le changement qu'avecréticence.

 

45. La Grande Guerre. Les événements : départ des hommes, réquisitions du bétail, dévastation d'une partie du territoire. Comment s'organisent la vie et le travail dans les campagnes, y compris dans les régions occupées. Les problèmes du ravitaillement et les mesures prises pour les résoudre : contrôles, importations, rationnement.

46. L'après-guerre. Bilan des pertes humaines et des destructions matérielles. La situation démographique dans les campagnes. Le retour des prisonniers. La reconstruction des régions dévastées. Exode rural et appel à la main d'œuvre immigrée.

Reprise de la baisse tendancielle des prix et politiques économiques. Les institutions : création des Chambres d'Agriculture, développement du Crédit agricole, de la Recherche Agronomique, etc. Le mouvement syndical.

47. L'équipement de l'agriculture. Les débuts de l'électrification des campagnes. La généralisation du machinisme attelé (brabant double, moissonneuse-lieuse…) s'achève. Les premiers tracteurs apparaissent, la plupart importés ; leur emploi reste limité, les chevaux restent nécessaires.

L'aménagement des campagnes. Après l'échec des chemins de fer d'intérêt local, le désenclavement se fait par les routes (autocar + bicyclette, l'automobile est encore un luxe). Développement des commerces et services au village, y compris les services publics comme la Poste.

48. L'agriculture française d'après le recensement de 1929 (justifié par le caractère exceptionnel de cette source). Situation d'ensemble, comparée aux recensements précédents. Images de la diversité des régions.

Images de l'agriculture de l'entre-deux-guerres dans la littérature (fiction, récits, mémoires, voyages…), dans les sciences humaines (géographie surtout, mais naissance de l'histoire agraire), etc. Deux nouveaux [média] d'une richesse exceptionnelle à cette époque, la photographie et le cinéma.

49. La grande dépression des années 1930. Ses effets économiques directs (marchés, prix, emplois, salaires…) et indirects (évolution vers le dirigisme, à droite comme à gauche). Les politiques économiques par secteur, d'après des exemples comme ceux de la viticulture (extension et renforcement des AOC) et du blé (création de l'ONIB par le Front populaire en 1936).

50. La seconde guerre mondiale. Les événements, soit qu'ils répètent ceux de la première guerre (départ des hommes, réquisitions, restrictions…), soit qu'ils en diffèrent (exode plus massif, occupation, fermeture des frontières). Contrôles et rationnement sont instaurés plus tôt et plus complètement. Le marché noir. Comment les agriculteurs s'adaptent à la situation : innovations ad hoc (gazogènes), réemploi de matériels périmés (batteuses à bras, locomobiles), recours à des cultures "pauvres" (topinambours, rutabagas…). Un succès remarquable : la remise en culture du colza, abandonné depuis plus de 50 ans.

La politique agricole de Vichy. Ce qui ne restera pas (le retour à la terre, la corporation paysanne…) et ce qui restera (le remembrement, l'ONIB devenu ONIC, etc.). Ce qui se prépare dans les milieux de la Résistance.

 

IX. LES TRENTE GLORIEUSES (1945-1975).

Thème dominant : après la Libération et le retour à la normale, le progrès redémarre, et prend bientôt un rythme véritablement explosif ; en trente ans, l'agriculture liquide son passé (même récent) et multiplie sa productivité par [?] ; mais les agriculteurs apparaissent de plus en plus comme des sous-traitants de l'industrie agro-alimentaire (la "fin des paysans").

51. La libération et le retour progressif à la normale (1944-1949) : suite et fin du rationnement, l'aide américaine (l'épisode du pain de maïs), le retour des prisonniers. Les Américains et l'impression qu'ils produisent à tous les niveaux, de la mode des surplus à la multiplication des missions d'étude aux États-Unis. Le plan Marshall et l'irruption d'une nouvelle génération de machines rendues possibles par les pneumatiques et le moteur diesel : moissonneuse-batteuse et tracteur léger, celui-ci désormais capable de remplacer le cheval dans tous ses emplois. En vingt ans, les animaux de trait disparaissent, ce qui libère les surfaces fourragères qui étaient nécessaires à leur alimentation : le pétrole remplace l'avoine et le foin.

52. Le grand bond en avant - l'exemple des céréales. Les faits : accroissement sans précédent des rendements, de la productivité et de la production. La France, qui jusqu'alors se suffisait à peine, devient un grand pays exportateur. L'explication des faits : une conjonction de progrès techniques (machinisme), scientifiques (travail du sol, fertilisation, traitements, variétés) et structurels (remembrement, ONIC…) arrivés enfin à maturité. Aux céréales traditionnelles (à paille) s'ajoute le maïs qui sort largement de ses régions d'implantation ancienne grâce à l'arrivée de variétés précoces.

Progrès similaires dans les cultures assolées avec les céréales : colza, plus tard tournesol, etc.

53. Idées, politiques et structures. Le besoin de rompre avec le passé, la force encore neuve des idéologies et le renouvellement au moins partiel du personnel syndical et politique ouvrent la voie à un volontarisme conquérant qui s'exprime au niveau national (lois Pisani, rapport Vedel…) et européen (plan Mansholt). On veut désormais accélérer l'évolution de l'agriculture, y compris l'exode rural. Quantité d'institutions sont créées, dans chaque domaine où une intervention est jugée nécessaire (utilité d'un tableau général, avec chronologie et glossaire des sigles…). La réforme des marchés.

Peut-on aujourd'hui proposer une évaluation objective des effets réels de ce dynamisme politique, par rapport aux buts proclamés ?

54. L'aménagement des campagnes. L'électrification, l'adduction d'eau, le téléphone… Les réalisations concernant spécialement l'agriculture : remembrement, irrigations et drainage (e.g. le canal du Bas-Rhône), etc.

L'évolution démographique : urbanisation accélérée d'un côté, désertification de l'autre. Les conséquences : disparition de beaucoup d'agricultures péri-urbaines (ex. des zones maraîchères de la banlieue parisienne), progression des friches et des forêts. Nouvelles utilisations de l'espace rural : tourisme et loisirs, industries et infrastructures diverses avec leurs nuisances, protection de la nature (parcs naturels) et du patrimoine (sites classés), etc. La multiplication de ces utilisations, souvent concurrentes, rend le problème de l'aménagement du territoire de plus en plus complexe. Les conflits les plus graves n'apparaîtront qu'après 1975, mais les données existent déjà auparavant.

55. L'élevage : un bond en avant comparable à celui des céréales, mais dont les résultats sont plus divers et peut-être moins faciles à mettre en évidence. Ici aussi, les faits s'expliquent par une conjonction de progrès exceptionnelle (insémination artificielle, traite mécanique, chaîne du froid, calcul des rations, etc.), à laquelle s'ajoute une transformation profonde des habitudes alimentaires : le bifteck remplace le pain.

L'évolution suivant les espèces. Les bovins : développement des races spécialisées (lait ou viande, celles-ci étant d'anciennes races de travail) au détriment des races à deux fins ; les méthodes de stabulation, l'alimentation. Les transformations de l'élevage laitier. Les ovins et les caprins : recul, sauf pour la production laitière (fromages). Porcs et volailles : développement des élevages industriels.

56. Les nouvelles spécialisations régionales. On a souvent dit que le progrès technique allait uniformiser l'agriculture. Or les différences entre régions ne sont pas moins marquées en 1970 qu'elles ne l'étaient en 1870 ; elles ont changé de nature. Les agricultures de subsistance diversement et étroitement adaptées aux conditions locales ont disparu, remplacées par des filières de production plus ou moins industrialisées, implantées là où se sont trouvées des conditions favorables. Il y a d'apparentes permanences (la grande céréaliculture du Bassin parisien, tradition ininterrompue depuis au moins le XVe siècle), mais le cas le plus fréquent est un renouvellement plus ou moins radical (les élevages industriels en Bretagne). Il est important de préciser en quoi les nouvelles spécialisations diffèrent des anciennes, et de quelle dynamique elles résultent.

57. La fin des paysans. Fin voulue (cf. sect. 53) et annoncée (Mendras 1967). Ses différents aspects : extinction numérique de la population paysanne, disparition de l'état de paysan remplacé par des métiers distincts sans plus grand-chose en commun, fin de la société villageoise (selon Maget). Les processus d'extinction de la paysannerie : émigrations, reconversions, retraites anticipées, etc. Bilan humain : qu'est-il arrivé aux laissés pour compte de la modernisation (célibat forcé, vies brisées…) ?

 

X. ET SI ON ARRÊTAIT LE PROGRÈS ? (1975-2000).

 Thème dominant : le progrès a toujours suscité des peurs, quoique sans grandes conséquences ; à partir du milieu des années 1970, une conjonction de faits d'origines diverses donne à ces peurs une force et une urgence qui ne feront que croître ; le productivisme triomphant va bientôt se trouver sur la défensive.

58. Halte à la croissance ?Le rapport du Club de Rome (1972) annonce un tournant que les deux chocs pétroliers et le "grand pillage" (achats massifs de blé par les Soviétiques) vont concrétiser. La croissance commence à baisser, ouvrant la voie aux idéologies post-soixante-huitardes. Des hippies s'installent à la campagne, l'agriculture biologique commence à prendre de l'importance (surtout hors de France, à vrai dire). Parallèlement, le passé se refuse à mourir : les premières "fêtes des battages à l'ancienne" connaissent un succès qui les fera multiplier, ainsi que les collections de vieux matériel agricole et les musées ruraux. Et le développement du tourisme rural sous de multiples formes, celui des ventes directes de produits régionaux, montrent que le patrimoine n'a pas seulement une valeur nostalgique ou culturelle.

59. Mais l'industrialisation de l'agriculture ne se ralentit pas pour autant. La tendance générale, d'après les indices les plus significatifs (production, rendements, productivité…). Idem, par secteurs ou filières (céréales, fruits, légumes, beurre…) et par régions ; changements de poids relatif des diverses productions.

L'évolution des facteurs de production : consommation d'énergie (fioul + électricité), d'engrais et de produits phytosanitaires, d'aliments du bétail et de produits vétérinaires, etc. ; investissements en matériel et installations (puissance, automatismes, coûts). Les innovations techniques et scientifiques (informatisation, génétique, biochimie…) qui rendent compte de cette évolution. Les changements d'ordre structurel : ateliers de plus en plus spécialisés organisés en filières, travaux à l'entreprise, encadrement technique de plus en plus contraignant (normes) … ; la part qui reste au travail et à l'initiative des exploitants et de leurs salariés.

60. La politique agricole : évolution des objectifs, de la modernisation des structures à la régulation des marchés ; parallèlement, déplacement de compétences, les unes vers les organisations professionnelles, les autres vers les institutions européennes.

Les marchés : évolution de leur fonctionnement par suite de celle des techniques commerciales, de l'élargissement géographique (mondialisation), de la puissance accrue de certains partenaires (groupes industriels, grande distribution), des interventions de la PAC, etc. Par exemple, comment fonctionne l'ONIC aujourd'hui ?

Les organisations professionnelles, leurs fonctions de gestion et de revendication. La fonction gestionnaire, peu spectaculaire, mais peut-être la plus importante. La fonction revendicative, dans ses aspects les plus spectaculaires (manifestations, élections) comme dans ceux qui le sont moins (la présence constante de lobbies à Bruxelles). Les intérêts représentés, les conflits, etc.

La PAC, mythes et réalités (ce qui se décide effectivement à Bruxelles et par quels mécanismes). Les problèmes (variations excessives des cours, surproduction, régions en difficulté) et les solutions (subventions, restitutions, quotas, gel de terres… ). Ce qui se passe sur le terrain (exemples).

 La montée de l'écologisme. Deux préoccupations, l'environnement et l'alimentation saine, distinctes mais presque impossibles à dissocier. Elles ne sont pas nouvelles (les utopies médico-naturistes fleurissent dès le XIXe siècle), mais elles sortent de la marginalité (cf. évolution des publicités).

Raisons du succès de l'écologisme contemporain. Facteurs généraux : élévation des niveaux de vie (historiquement, l'écologisme est un luxe) et disparition des anciennes peurs (famines, guerres, révolutions, maladies infectieuses…) devenues disponibles pour de nouveaux objets. Facteurs dus aux transformations de l'agriculture, devenue invisible (on ne voit plus personne dans les champs, on ne peut plus entrer dans les étables…) donc suspecte, d'autant qu'elle tend à accroître ses nuisances alors que l'industrie tend à réduire les siennes. Agriculture et entretien/destruction des paysages.

Réponses et adaptations. Agriculture biologique, durable, raisonnée, etc. Agriculture visitable : fermes-musées, fermes traditionnelles associées à un hébergement et à des prestations touristiques (chambres d'hôtes, randonnées équestres, promenades à dos d'âne…), fermes pédagogiques, fermes avec vente directe de produits régionaux. Élevages en conditions garanties (volailles en plein air…), traçabilité, produits labellisés, etc.

Une crise qui touche à tous ces aspects : la vache folle.

62. À quoi ressemble l'agriculture en l'an 2000, d'après des exemples représentatifs, les uns de situations largement répandues (validité statistique), les autres des situations peut-être marginales mais susceptibles d'illustrer des évolutions passées ou futures.

63. Mondialisme et localisme. La mondialisation actuelle n'est que la phase récente d'un processus fort ancien (ex. de l'indigo éliminant le pastel au XVIIe siècle), qui se manifeste par des accélérations brutales chaque fois que le progrès technique (notamment dans les transports) fait apparaître des inégalités fortes de ressources ou de productivité entre régions du monde. La phase actuelle de mondialisation est spectaculaire, mais elle produira peut-être elle-même ses propres limites (saturation des voies de communication, effets pervers…). Classiquement, on a combattu la mondialisation par le protectionnisme, complètement décrié aujourd'hui (quoique la mode puisse changer). D'autres réponses, plus originales et plus prometteuses, ont été mises au point en France : l'ONIC (exemple rare d'une invention politique dont le succès a été complet), et surtout les AOC. Longtemps limitées aux vins, les AOC tendent aujourd'hui à s'étendre à toutes sortes d'autres produits et à se propager hors de France. Associant qualité, normes techniques et localité, les AOC permettent aux régions non compétitives selon les critères courants de productivité de sortir du marché mondial par le haut. Mais elles ont besoin d'un système de référence extérieur, qui est la gastronomie (cf. n° 33). On peut se demander si l'ensemble gastronomie + AOC ne représente pas une "voie française" vers la mondialisation, qui d'ailleurs pourrait être en cours de mondialisation elle-même.

 

XI. ÉPILOGUE.

 

Thème dominant : en quoi l'histoire peut-elle nous aider àmieux comprendre ce qui se passe aujourd'hui ?

 

64. Le progrès technique, facteur permanent de l'histoire européenne (agriculture incluse) depuis l'âge du fer. Pas de stagnation prolongée, et depuis le XIXe siècle, accélération spectaculaire, aboutissant à des nouveautés absolues comme la disparition des famines.

Quoi qu'on ait dit, la notion de progrès est indispensable parce que sans elle, il n'y a pas de différences significatives entre présent, passé et avenir, donc pas d'histoire ni d'anticipation. En agriculture aussi, l'intérêt pour le passé et l'intérêt pour l'avenir se sont développés symétriquement, et corrélativement avec l'idée de progrès. Bref résumé des prémisses de l'histoire de l'agriculture au XIXe siècle, tableau plus détaillé des anticipations, à partir de Malthus et de Liebig. Histoire de l'avenir de l'agriculture à partir du moment (fin XIXe ?) où ce thème de réflexion devient récurrent, et jusqu'au début des années 1970. Malgré l'explosion démographique du XXe siècle, les famines ont partout reculé ou disparu, sauf dans les régions en guerre.

65. Dans les pays dits développés, la place de l'agriculture dans la société a profondément changé :

1°. L'agriculture consomme de grosses quantités d'énergie et d'autres intrants (machines, engrais, pesticides...). Elle n'est plus l'activité de "produit net" qu'elle était au temps des Physiocrates.

2°. L'agriculture est devenue minoritaire sur le plan démographique, et elle tend à le devenir sur le plan géographique. L'espace lui est de plus en plus disputé pour d'autres utilisations (urbanisation, infrastructures de transports, loisirs, protection de la nature...).

3°. L'agriculture est de plus en plus administrée, que ce soit sur le plan économique (financement, marchés, prix...) ou sur le plan technique (normes de qualité et de sécurité, dispositifs antipollution, etc.).

4°. L'agriculture n'est plus l'activité visible par excellence. L'image que le public s'en fait (s'il s'en fait une) dépend moins de sa réalité que de facteurs socio-psychologiques (publicités, nostalgie...) souvent contradictoires.

66. Cette situation est-elle durable ? L'évolution qui l'a produite doit-elle se poursuivre ? L'avenir de l'agriculture est une question qui s'est posée dès le XIXe siècle (Malthus, Liebig...) et qui est devenue récurrente, notamment aux moments où les transformations paraissaient s'accélérer (vers 1970 par exemple). Quels enseignements peut-on tirer des anticipations passées ? Quel est l'état des réflexions sur ce sujet aujourd'hui ?